Jean Léonetti, député des Alpes Maritimes vient de déposer avec ses collègues de l’UMP une proposition de loi « visant à lutter contre les démarches engagées par des Français pour obtenir une gestation pour autrui ». Je partage la volonté de prévenir le recours aux « mères porteuses » par les couples qui souhaitent trouver là une réponse à leur projet parental. L’indisponibilité du corps est un principe qui nous protège. Il est souhaitable que nous respections aussi ce principe envers toute autre personne, fusse-t-elle issue d’un pays qui le méconnait. La Gestation pour autrui (GPA) est condamnée en France au nom de ce fondement qui interdit que la grossesse d’une femme et la naissance d’un enfant  puissent faire l’objet d’un contrat. Dans son article 227-12 le code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende « le fait de s’entremettre entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître ». Il punit des mêmes peines « le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre ». Si les faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double. De son côté, l’article 16-7 du code civil stipule depuis 1994 que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle« . C’est sur la base de cet article, et de la fraude, que la Cour de Cassation empêche la prise en compte de tout acte lié directement ou indirectement à cette convention. Au nom du principe juridique selon lequel la fraude corrompt tout (« Fraus omnia corrumpit »), l’enfant né d’une GPA se voit empêché d’accéder à un état civil en France et refusé un lien de filiation avec ses parents d’intention. La proposition de loi de Jean Léonetti renforce, en les doublant, les sanctions à l’encontre des agences qui interviennent pour mettre en relation les couples avec une mère porteuse et assurer le suivi médical de la procréation. Elle punit en outre les personnes qui ont recours à cette pratique ou effectuent seulement des démarches auprès de ces agences organisant la GPA, ce qui est nouveau. Le renforcement de la pénalisation comme réponse est un réflexe habituel à droite. Son inefficacité est aussi traditionnelle. De surcroit, la pénalisation en France d’agences opérant depuis l’étranger est purement hypothétique. C’est une peine d’affichage qui n’est pas suivie d’effet aujourd’hui. Elle ne le sera pas davantage demain, quand bien même on la doublerait. La peine prévue pour les parents en revanche est chose nouvelle. La proposition de loi prévoit une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende quiconque aura effectué « des démarches auprès d’agences ou d’organismes, français ou étrangers, permettant ou facilitant, contre un paiement, la pratique de la gestation pour le compte d’autrui », et le double de ces deux peines  est prévu pour « Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la naissance d’un enfant par la pratique de la gestation pour le compte d’autrui, sur le sol français ou à l’étranger, contre un paiement, quelle qu’en soit la forme ». Ces nouvelles incriminations seraient-elles efficaces pour empêcher les parents de recourir à la GPA ? La droite l’espère. Je ne le pense pas pour ma part. Les couples qui y ont recours aujourd’hui bravent la loi en connaissance de cause, sachant pertinemment qu’ils devront cacher leur situation aux yeux de tous, payer un prix financier très lourd et voir refusé l’établissement de lien de filiation avec leur enfant… Certains parents continuent d’y recourir pourtant. Est-ce que la menace de prison leur fera renoncer ? Je n’y crois pas. L’intention de commettre une GPA, qui prend sa source dans un projet de couple et le désir d’enfant, ne peut pas être traitée à l’égale d’une intention délictuelle classique. Je me rappelle de cet homme qui avait dû vivre un an en Inde dans des conditions très difficile afin de pouvoir ramener en France son fils issu d’une GPA. Après ce parcours du combattant qui en aurait dissuadé plus d’un, il me dit « que l’on me pénalise moi ne me pose pas de problème, mais ne pénalisez pas mon fils ! ». Par ailleurs, est-ce dans l’intérêt de l’enfant d’envoyer ses parents en prison ? Est-ce dans l’intérêt de l’enfant d’inciter ses parents à cacher son existence pour éviter la sanction ? L’intérêt de l’enfant est totalement absent de cette proposition de loi. Alors que l’enfant est au cœur de la question de la GPA, il n’est pas pris en compte dans ce texte. Alors que la Cour Européenne des droits de l’Homme vient de condamner notre pays parce qu’il refuse un état civil à ces enfants, la proposition de loi n’apporte aucune réponse à cette question précise. De ce point de vue, elle est totalement déséquilibrée. Il n’y a pas de place pour une réponse par la loi française au recours à la GPA hors de nos frontières. Par définition, la solution résulte d’une convention internationale. Là doit se concentrer notre attention. En revanche, je continuerai à militer pour qu’une réponse soit apportée rapidement dans notre droit national à la condamnation de la France par la CEDH, au nom et pour l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous devons tenir ce débat sereinement, sans spectacle, et sans stigmatiser les couples concernés et leurs enfants.  Manifestement l’UMP n’a pas choisi cette voie. Je le regrette.     Pour aller plus loin sur le sujet : La proposition de loi Léonetti disponible sur le site du Lab Politique d’Europe1 Ma tribune du 2 juillet 2014 « Enfants de la GPA, Enfants de la République » dans Médiapart Interview d’Anne Marie Leroyer dans le magazine Le Point du 25 juillet 2014 Tribune d’Irène Thery dans le quotidien Libération du 23 juillet 2014 L’appel signé par de nombreuses personnalités pour demander une plus forte pénalisation de l’titilisation de la GPA à l’étranger dans Libération du 13 juillet 2014    ]]>

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