Cet après-midi à l’Assemblée nationale avaient lieu les votes solennels sur deux propositions de loi initiées par les députés Les Républicains avec comme objectif de renforcer notre législation contre la GPA. De fait ces textes étaient inutiles et dangereux. J’ai défendu dans l’hémicycle la position du groupe socialiste qui a voté contre. La première proposition de loi proposait d’inscrire dans la Constitution le « respect du principe d’indisponibilité du corps humain ». C’est une démarche totalement inutile. Ce principe a déjà force constitutionnelle.Notre législation et la jurisprudence en ont dessiné les contours clairs et précis sur le fondement du principe de dignité de la personne humaine tiré du préambule de la Constitution. C’est inutile et c’est hasardeux En souhaitant frapper la GPA, nous risquerions de toucher d’autres domaines comme celui des essais thérapeutiques, de la recherche sur l’embryon, du don d’organe ou de sang, du diagnostique prénatal et de l’IVG. La deuxième proposition de loi était tout aussi inutile et tout aussi périlleuse. Inutile car pour l’essentiel elle de proposait d’interdire ce qui l’est déjà. En effet, les agences qui jouent les intermédiaires entre les parents d’intention et les mères porteuses sont déjà punies par l’article 227-12 du code pénal. Certes sa portée est faible. Nous sommes d’ailleurs tous d’accord sur ce point. Mais ce n’est pas du fait de la faiblesse supposée des sanctions, comme argue la droite, mais tout simplement parce que ces agences agissent depuis l’étranger, s’adressent à nos compatriotes par internet. Elles restent ainsi hors de portée de notre code pénal. Pour la même raison la pénalisation des propos qui présenteraient la GPA sous un jour favorable serait totalement inopérante si ce n’est à entraver les études et les recherches scientifiques menées sur le sujet en France. La proposition de loi propose d’établir des sanctions en direction des parents. C’est cette fois une disposition nouvelle qui n’existe pas dans notre droit. Elle serait pour autant inopérante. Il est en effet quasi-impossible à trouver la preuve formelle du recours à la GPA. L’acte de naissance ne fait figurer qu’un père français et une mère étrangère voire même le nom des deux parents d’intention. il est impossible d’y lire une quelconque preuve de recours à la GPA. Tout au plus une suspicion. Pour condamner les parents à 5 ans de prison et 150 000€ d’amende il faudra au magistrat d’avantage que de simples suspicions. Cette proposition n’est donc qu’un grand coup d’épée dans l’eau. Pire, outre qu’elle serait inutile cette nouvelle incrimination serait contreproductive car elle conduirait inévitablement ces couples à utiliser les voies les plus secrète, les plus sordides, les plus inacceptables. Le texte de l’opposition propose également d’inscrire dans la loi l’interdiction de transcrire en France l’acte d’état civil étranger des enfants nés de Gestation Pour Autrui. C’est sa réponse à l’arrêt de la Cour Européenne des droits de l’Homme qui a estimé en 2014 que la France, en refusant cette retranscription, ne respectait pas le droit de tout individu à une vie privée et familiale. Parmi les pays qui nous entourent, tous intègrent la décision de 2014 de la CEDH, et notamment les plus réfractaires à la GPA comme l’Allemagne et l’Autriche. Le tribunal fédéral Allemand, la cour constitutionnelle Autrichienne ont modifié leur jurisprudence. L’administration de l’état civil en Espagne a fait de même, de même que le tribunal fédéral suisse. Aucun pays n’a abordé la décision de la CEDH comme la droite nous propose de le faire, en refusant leur existence aux enfants nés de Gestation Pour Autrui. Cette initiative conduirait finalement la France à revendiquer, à assumer une transgression des droits de l’homme. Par ailleurs, la rédaction de l’article 3 du projet de loi démontre une grande ignorance de ses auteurs. Le premier alinéa de cet article dispose « tout acte étranger, civil ou non, quelle que soit sa nature juridique, qui constate, atteste reconnaît ou prouve une filiation issue d’une procréation ou d’une gestation pour le compte d’autrui est réputé nul ». Si « Tout acte étranger » vise les conventions signées entre les agences, les mères porteuses et les futurs parents, précisions qu’elles sont déjà frappées d’une nullité d’ordre public au titre des l’art 16-5 et suivants du Code Civil . Si sont visés les actes de naissance des enfants, alors rappelons une nouvelle une fois qu’il n’est indiqué fort heureusement dans aucun de nos actes de naissance, notre mode de conception. Avoir un père français et une mère américaine, ou indienne, ou israélienne, ou grecque, ne signifie pas que nous sommes nés par GPA. Bien qu’usant à l’excès d’un vocabulaire musclé et péremptoire, la portée de l’article 3 est totalement nulle. Cette disposition, si elle devait être adoptée, ne pourrait jamais être utilisée tout simplement parce que la preuve de l’incrimination n’existe pas. Mais l’intention de la droite elle, n’est pas nulle. C’est pour masquer son incapacité à atteindre les parents et les agences que la proposition de loi reporte la faute sur le seul qui est à sa portée ; l’enfant. Elle fait peser sur l’enfants la faute de ses parents. Elle pénalise l’enfant du fait de son mode de conception. Nous revenons un siècle en arrière quand l’enfant naturel devait subir, dans ses droits, son mode de conception illégitime. Il y a nombre d’adultes dans cette affaire de GPA, Les parents d’intention, les intermédiaires, les femmes qui acceptent de porter la grossesse. Le texte qui nous est proposé accable le seul qui n’a consenti à rien. A ceux qui estiment que l’enfant né de GPA ne rencontre aucune difficulté dans sa vie quotidienne et pourrait fort bien s’accommoder de son seul acte d’état civil étranger, je veux rappeler la réalité. En pratique, cela veut dire que la nationalité française lui est refusée, que sa présence sur notre territoire peut à tout moment être questionnée, que ses droits de citoyens lui seront refusés, qu’il n’aura pas de lien de filiation avec ses deux parents, que ces derniers ne bénéficieront pas formellement de l’autorité parentale… Je ne souhaite cela à aucun enfant. Tout comme je souhaite qu’aucun de ces enfants n’ait pu vous entendre nos débats qui ont pu conduire des élus de droite à qualifier ces enfants d’objet, d’enfant chose, de produit. Cette attitude vis à vis des enfants est d’autant plus intolérable, d’autant plus cynique que ces deux propositions de loi ne sont motivées que par des arrières pensées politiques qui ne trompent personne ici. La vérité est simple : à un an de l’élection présidentielle, les Républicains ont enfin consenti au mariage pour tous et agite un nouveau chiffon rouge pour mobiliser ceux qui s’y étaient opposés. La question de la GPA ne nécessite pas une seule mais deux réponses à formuler. Sur le recours aux mères porteuses, les socialistes sont défavorables à la GPA comme notre droit le commande aujourd’hui. Le corps humain ne peut faire l’objet d’un accord contractuel, quelles qu’en soient les conditions. Sur le sort réservé aux enfants, nos points de vue divergent et nous nous inscrivons pleinement dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme suivie par la Cour de Cassation. Le mode de conception d’un enfant ne peut justifier qu’il ne puisse se voir reconnaître la plénitude de ses droits. Ces propositions de loi étaient inutiles dans leur objet. Elles étaient aventureuses et contreproductives dans leurs effets. En toute logique nous avons voté contre. Mes interventions sur le sujet, en commission des lois et en séance publique: [video width="854" height="480" mp4="http://erwannbinet.fr/leblog/wp-content/uploads/2016/06/encoder9_20160608094831_1_4005638_4306440.mp4"][/video] [video width="854" height="480" mp4="http://erwannbinet.fr/leblog/wp-content/uploads/2016/06/source_4075481_6534170_6880153.mp4"][/video] ]]>