Pas besoin d’interrogatoire poussé ni de test osseux pour constater que la cinquantaine de réfugiés patientant devant les guichets de l’Offi à Calais ce lundi sont des enfants. Les visages sont incroyablement jeunes, même si le regard est dur. Ils sont donc là à attendre dans la queue réservée au « minors -18 » qu’une navette les emmène vers le centre d’accueil provisoire où les attendent fonctionnaires français et britanniques chargés d’évaluer leur situation. A côté se rassemblent d’autres migrants dans la fille dédiée aux familles et celle réservée aux personnes seules, majoritairement des hommes. Après avoir choisi leur destination, ils prendront place dans un bus qui les portera vers un abri quelque part en France, vers la protection de l’asile pour la très grande majorité d’entre eux, vers un nouvel avenir.
Accompagné de Marie-Anne Chapdelaine députée d’Ile et Vilaine, je me suis rendu à Calais, à l’invitation du ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, pour nous rendre compte par nous-mêmes des conditions d’orientation des migrants de Calais. Nous avons rencontré ces réfugiés, les associations, les services de l’État qui sont mobilisés avec un engagement qui force l’admiration dans cette opération humanitaire d’une ampleur inédite sur notre sol. Elle est couronnée de succès car elle a permis de vider la jungle en trois jours.
- La jungle doit être démantelée.
Les conditions de vie déjà très difficiles promettaient de devenir déplorables avec l’arrivée de l’hiver. Les conditions de sécurité sont également extrêmement tendues. La jungle c’est la loi des passeurs, des proxénètes, la loi des clans et celle du plus fort. La jungle de Calais nous a contraint de créer à ses portes un accueil fermé pour protéger les femmes et les enfants.
En aucun cas la jungle ne peut constituer un avenir pour quiconque. Il ne fait pas de doute qu’elle doit fermer.
- La frontière avec la Grande Bretagne doit être sécurisée.
La frontière tue. 14 migrants ont perdu la vie depuis le début de l’année 2016. En essayant d’accéder au port ou au tunnel sous la Manche qui débouche non loin de la jungle, en se jetant sous les roues des camions sur la rocade toute proche ou dans les wagons des trains, les risques pris chaque nuit par les réfugiés sont mortels. Des kilomètres de barrières, de barbelés et de murs sécurisent les voies d’accès mais ils ne peuvent rien contre les rêves d’Eldorado. Durant la nuit qui précédait notre visite, plus de 700 tentatives d’incursion ont été déjouées. « Et c’est une nuit plutôt calme » nous indique-t-on, précisant que l’on a pu en comptabiliser plus de 2000 durant les nuits les plus chargées. Si cette
frontière n’était pas étanche, elle serait un danger encore plus conséquent pour ceux qui n’hésitent devant aucun risque, pour eux mêmes comme pour les autres.
Les voies de communication ont été considérablement sécurisées avec des grillages hauts de plusieurs mètres, des barbelés et des murs immenses.
Si la frontière n’était pas étanche elle deviendrait attractive. Les 10 000 réfugiés passés par Calais seraient 100 000. En plus d’être dangereuse pour eux, la situation deviendrait totalement ingérable.
- la protection des réfugiés doit être respectée
Sur la base de leur seule nationalité (voire de leur absence de nationalité), plus de 70% des réfugiés situés dans la jungle bénéficieront à coup sûr de la protection de la convention de Genève sur les réfugiés. Ils seront sans doute davantage après examen au cas par cas de leur situation. La France se doit de leur attribuer un statut et une protection dans la mesure où ils ne peuvent en aucun cas retourner dans leur pays d’origine. Ce n’est pas un choix de la France c’est une obligation. C’est aussi notre honneur d’être un refuge quand dans notre histoire tant de français ont dû prendre le chemin de l’exode afin de chercher protection au delà de nos frontières.
Nous y sommes d’autant plus obligés que la France n’accueille que très peu de réfugiés comparativement à l’Allemagne, la Grèce, la Turquie, le Liban, la Jordanie…
Nous sommes à Calais un peuple solide qui accueille ses frères meurtris. L’exercice est lourd et difficile, et nous n’en avons pas fini avec les crises migratoires. Mais nous le faisons avec humanité et fermeté. Fermeté à l’égard de
ceux qui parmi les migrants doivent être renvoyés parce qu’ils ne peuvent bénéficier de l’asile. Fermeté également à l’égard de ceux qui refusent cette protection élémentaire en mélangeant allègrement tous les enjeux migratoires. Ceux-là n’avaient rien trouvé de mieux en fermant Sangatte de disperser les réfugiés sans apporter aucune solution sur le long terme. Ceux-là construisent leur plan de carrière politique sur les sentiments xénophobes. Pour avoir rencontré les réfugiés à Calais, je peux vous l’assurer, la peur est de leur côté.]]>