Il ne nous aura fallu que quatre mois pour que ce projet de loi, déposé à l’Assemblée nationale le 25 novembre, parvienne au terme de la procédure parlementaire. Cette célérité trouve évidemment sa source dans le consensus qui a régné sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, et sur tous les bancs du Sénat, pour mettre fin aux faits divers sordides qui trop souvent défraient la chronique. Quatre mois seulement de discussion pour ce projet de loi mais finalement un an de procédure. Un an après la découverte de tels faits au sein d’une école de Villefontaine. En tant qu’hommes et femmes, nous exprimions alors notre solidarité avec les familles des enfants touchés. En tant que législateurs, nous avons une responsabilité plus grande : parfaire la loi, corriger ses imperfections, circonvenir les risques. Pour ces familles le temps a été bien long jusqu’à ce jour. Nous avions pourtant essayé d’aller au plus vite, par voie d’amendements à la loi DDADUE (Diverses dispositions d’application du droit de ll’Union européenne, relative à la procédure pénale) durant l’été 2015. Le Conseil constitutionnel ne l’avait pas admis pour des raisons formelles. C’est donc un projet de loi en bonne et due forme, présenté en Conseil des ministres le 25 novembre, que l’Assemblée nationale a adopté le 8 décembre dernier. Le 26 janvier, les sénateurs adoptaient à leur tour le projet de loi. Lors de l’ultime séance aujourd’hui à l’Assemblée nationale, j’ai exposé le sens de l’accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire sur les trois articles demeurant en discussion. À l’article 3, qui traite du code de l’action sociale et des familles le Sénat a renforcé la surveillance des Départements sur les personnes partageant le domicile des assistants maternels. Ces dispositions permettront la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et non plus seulement le bulletin n°3 (celui qui fait apparaitre les infractions les plus graves). Nous avons approuvé cette évolution. La divergence entre députés et sénateurs existait dans les deux dispositions restantes. À l’article 1er A, le Sénat avait rendu systématique, sauf décision motivée contraire, la peine d’interdiction de travail au contact des mineurs pour toute personne condamnée pour agression sexuelle. C’est un point sur lequel l’Assemblée nationale s’est opposée : notre ligne de conduite est constante sur ce point: les tribunaux prononcent les peines et les parlementaires ne peuvent préempter ce pouvoir. La rédaction du Sénat prévoyait que les tribunaux prononcent une absence de peine. Nous avons donc obtenu la suppression de l’article 1er A. À l’article 1er, les députés avaient prévu une information de l’administration en cas de condamnation d’un agent, en cas de poursuite ou de mise en examen, et dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre à la condition dans ce dernier cas, de l’existence d’indices graves et concordants comme suggérés par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi. Le Sénat a approuvé les deux premières hypothèses. Mais il a estimé qu’agir dès la garde à vue ou l’audition libre portait une atteinte excessive à la présomption d’innocence. Il est vrai que, s’il existe des indices graves ou concordants d’une agression, la mise en examen ou la poursuite doit être immédiate. En outre, la décision de communication du procureur de la République à la source de sanctions administratives aurait pu être indirectement contestée devant le tribunal administratif, ce qui aurait soulevé un problème considérable en termes de compétence contentieuse. Mais surtout, si une suspension conservatoire ne fait pas grief en droit, elle a des conséquences dans la réalité. Une personne écartée pour suspicion de pédophilie voit sa carrière, sa famille, sa vie, brisées. Les autorités sont régulièrement destinataires de dénonciations malveillantes et fantaisistes, notre prudence ne doit pas être à sens unique. La CMP a donc admis la position sénatoriale sur l’article 1er. Assemblée nationale et Sénat sont donc tombés d’accord sur un compromis, acceptable par chacun, autour d’un texte adopté par la commission mixte paritaire. Nous l’avons adopté aujourd’hui à l’Assemblée, le Sénat en fera de même la semaine prochaine. C’est avec une grande satisfaction, en tant que rapporteur de ce texte mais aussi comme isérois, d’avoir porté avec Joëlle Huillier, députée de Villefontaine, un texte destiné à ne plus revivre l’effroi qui nous a envahi au moment où nous prenions connaissance des sordides actes qui se déroulaient derrière les murs d’une école iséroise.]]>