Nous avons entamé ce soir à l’Assemblée le projet de loi destiné à renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorer l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Je suis intervenu en rappelant le nécessaire équilibre entre les exigences de sécurité et le respect non négociable des libertés individuelles. « Monsieur le Président, Monsieur le Garde des Sceaux, Monsieur le Ministre, Madame et Monsieur les Rapporteurs, Le Code de procédure Pénale est entré en vigueur il y a près de soixante ans. Il fait l’objet dans le présent projet de loi d’une nouvelle réforme qui apporte sa pierre au compromis historique posé dès l’origine entre exigence de sécurité et protection des libertés individuelles. Compromis entre deux exigences parfois vécues comme contradictoires, objet souvent de débats et de controverses finalement salutaires pour aboutir au point d’équilibre. Depuis 1959 la Procédure pénale a fait l’objet de modifications régulières. Trois raisons majeures à cela ; d’abord il est heureux que nous soyons à la recherche constante d’une plus grande efficacité, de procédures plus rapides, plus simples, ajustées également, il faut bien l’avouer, à la pénurie récurrente des moyens. Le code de procédure pénale a intégré ensuite l’influence grandissante des normes internationales, principalement communautaires et des autres sources du droit comme les jurisprudences constitutionnelles. Surtout, le législateur a toujours eu le souci d’adapter la procédure pénale à l’apparition des nouvelles formes de délinquance. Il l’a fait par exemple à plusieurs reprises en matière de lutte contre le terrorisme et notamment, souvenons-nous en, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 par la loi sur la sécurité quotidienne qui introduit dans le droit positif des mesures spécifiques, les premières du genre, liées à la conservation des données issues de l’usage d’internet. C’est armé de ces trois mêmes intentions, efficacité, intégration des évolutions des autres sources du droit et lutte contre les nouvelles formes de délinquance que le Gouvernement nous propose aujourd’hui le projet de loi dont nous entamons la discussion en première lecture aujourd’hui. Plus d’efficacité, quand il s’agit d’apporter des moyens nouveaux et de renforcer les moyens existants au Parquet et au juge d’instruction, quand il s’agit également de faciliter le recueil et l’exploitation des témoignages par la protection des témoins. Plus d’efficacité surtout lorsque le projet s’attaque à une simplification à tous les étages de la procédure pénale pour faciliter le travail des enquêteurs et des magistrats. Plus de garanties également, lorsque le projet de loi clarifie les missions du Procureur de la République, quand il renforce la dimension contradictoire de l’enquête préliminaire. La commission a abondé ces garanties en adoptant un certain nombre d’amendements déposés par le Gouvernement ou par nos Rapporteurs. Adaptation enfin de notre procédure pénale aux nouvelles menaces et aux nouveaux types de délinquance. De nouveaux moyens et une répression accrue sont proposés contre le trafic de biens culturels provenant de théâtres d’opération de groupement terroriste, contre le blanchiment et le financement du terrorisme, pour la cybercriminalité et enfin pour les trafics d’armes. Je veux dire sur ce dernier point combien nous pouvons mesurer, en nous comparant à d’autres grandes démocraties, la chance qui est la nôtre de vivre dans un pays qui bénéficie d’une tolérance minimum et subséquemment d’un droit extrêmement restrictif à la détention d’armes. De même que nous pouvons nous réjouir de la retenue avec laquelle nous abordons dans ce texte la situation des policiers et gendarmes confrontés à la nécessité de faire usage de leurs armes dans le cas de périple meurtrier. Si la matière pénale est et doit rester une matière vivante, les réformes de la procédure pénale ont parfois été prises en otage par la recherche du profit politique maximum. Des réformes guidées par l’agitation du moment ont pu nous éloigner d’une vision d’ensemble et durable de la procédure et du procès pénal. Tel n’est pas le cas dans ce projet de loi et je m’en réjouis. De ce point de vue, l’allégorie de la Caverne développé tout à l’heure par notre collègue Ciotti éclaire utilement les propositions de l’opposition. Elle ne sont que des réponses aux préjugés, aux sens plutôt qu’à la raison, à l’habitude plutôt qu’à la vérité. A l’allégorie de la caverne de Ciotti, nous préférons l’allégorie de Platon, dont la représentation nous enseigne la nécessité de rejeter toute idée reçue, de s’interroger sur l’ordre établi, sur la relation à l’autorité aussi et la recherche de la vérité. Nous ne voulons pas nous, légiférer pour les ombres projetés sur les murs de la caverne. Depuis longtemps la doctrine, les professionnels, les associations de victimes aspirent à une réforme globale, à une réforme revisitant la question de la multiplication des procédures, clarifiant aussi durablement le nouvel équilibre qui s’est installé avec les années au profit du Parquet. Ce projet de loi répond en partie seulement à cette aspiration mais il est ambitieux dans sa volonté d’efficience, de simplification, d’adaptation aux nouvelles menaces. Il doit être aussi ambitieux dans sa volonté de préserver les grands principes et les valeurs qui fondent la procédure pénale et le procès pénal depuis 1959, lesquels sont rappelés depuis la loi du 15 juin 2000 dans un article préliminaire de notre code de procédure pénal. Principes de la procédure pénale auxquels nous avons ajouté l’indépendance du Parquet par la loi du 25 juillet 2013. Dans le prolongement du Gouvernement, notre assemblée se met au service de cette balance entre exigence de sécurité, et protection impérieuse des libertés individuelles. Nos discussions doivent tendre encore davantage vers le parfait équilibre auquel, au sein du groupe socialiste, nous aspirons tous. » ]]>