A chaque fois qu’un Gouvernement, la plupart du temps de gauche, a voulu démocratiser la réussite scolaire, les conservatismes se sont réveillés criant à l’égalitarisme ou au « nivellement pas le bas ». La réforme du collège tire au contraire tout le monde vers le haut. Il y a urgence à agir car le fossé n’a jamais été aussi grand entre les élèves les plus performants et ceux qui sont en échec. Le collège renforce les déterminismes sociaux. C’est le cas pour les enfants issus de l’immigration, au moins deux fois plus susceptibles de compter parmi les élèves en difficulté. Le collège produit aujourd’hui de l’échec scolaire. En français, 12% des élèves de CM2 ne maitrisent pas les compétences attendues. Ils sont 25% en 3ème. En mathématiques ils sont 9% à ne pas maitriser les compétences attendues en CM2, et 13% en 3ème. Les enquêtes PISA, qui révèlent depuis plusieurs années que la France décroche par rapport aux autres pays de l’OCDE montrent par ailleurs que les difficultés augmentent fortement depuis 10 ans. La baisse des moyens engagés sous la précédente législature n’y est pas étrangère. On ne supprime pas la formation initiale des professeurs et 80 000 postes au sein de l’Éducation Nationale sans dommage pour les élèves. Au delà de la question essentielle des moyens, il existe des raisons structurelles à cet échec. Une enquête de l’AFEV de 2013 (« Le collège perçu par les élèves », Association de la fondation étudiante pour la ville) a révélé que les collégiens déclarent s’ennuyer davantage que les élèves du primaire. Ils sont une minorité à demander de l’aide à leur enseignant (35%) alors qu’ils sont très majoritaires en primaire à le faire (67%). Les collégiens participent moins, et ils sont une majorité (55%) à considérer que leur enseignant ne s’intéresse pas à eux. Ce sentiment est très largement inverse en primaire. Le collège ne doit pas être un lieu où cohabitent des filières d’excellence investies par les meilleurs avec une autre filière, de base, rassemblant la majorité des collégiens. C’est une minorité d’élèves qui s’oriente vers l’enseignement du latin ou du grec (20% des collégiens), au sein des classes bilangues (15% des collégiens), ou des classes européennes. Ces filières sont de fait, destinées à ceux qui peuvent assimiler des heures supplémentaires, ce qui n’est pas illogique, et ceux dont les parents connaissent les codes, les chemins et les parcours sélectifs, ce qui est anormal. Cela donne la curieuse impression que pour réussir, il convient de détenir rapidement la « carte premium » avec accès à tous les services. Comme toute « carte premium » son attrait réside dans le fait que la majorité ne la possède pas ! Le « nivellement par le bas » décrié par la droite ne revient qu’à ouvrir l’accès des avantages de la carte premium au plus grand nombre… La réforme ne prévoit pas la suppression de l’enseignement des langues anciennes. L’option sera toujours ouverte aux élèves de 5ème à raison d’une heure par semaine et de deux heures en 4ème et 3ème. Par ailleurs, tous les élèves pourront bénéficier d’un enseignement pratique interdisciplinaire dédié aux langues et cultures de l’Antiquité qui ne feront pas d’eux des latinistes émérites mais permettra d’ouvrir pour un grand nombre un savoir dont ils étaient exclus. La suppression des classes bilangues en 6ème n’est pas non plus une régression. Les élèves bénéficieront de l’apprentissage d’une langue vivante dès le CP et accèderont dès la 5ème à l’enseignement d’une deuxième. Le projet prévoit 54h d’enseignement supplémentaire en langue vivante pour tous. La réforme prévoit enfin de nouveaux modes d’enseignement pour sortir le collège d’un apprentissage monolithique et rigide peu adapté à la diversité des publics accueillis. Une nouvelle organisation des heures d’enseignement donnera aux professeurs la possibilité d’aménager leurs enseignements avec plus de souplesse autour d’accompagnements individualisés ou en petit groupe. De même des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires permettront de construire et d’approfondir des connaissances et des compétences par des réalisations concrètes partagées par plusieurs professeurs. Chacun d’entre nous souhaite le meilleur pour son enfant. Les faiblesses du collège et ses insuffisances, repérées depuis des années, conduisent les meilleurs élèves à s’engager dans des filières exclusives. Ceux-là bénéficient actuellement de 650h d’enseignement suplémentaire par rapport à leurs camarades, au cours de leur vie au collège. C’est l’une des raisons du creusement des inégalités. Les enfants ne sont pas des disques durs qu’il convient de remplir au maximum, en un minimum de temps. C’est une vision dévoyée de l’enseignement et de la réussite scolaire que d’imaginer que deux langues vivantes dès la 6ème, en plus d’une langue ancienne garantissent LA réussite ou pire, permet par la réussite de quelques-uns le profit de tous. Cette réforme est une chance pour le collège en France qui doit impérativement sortir du role dans lequel il est actuellement, de l’avis de tous; celui du maillon faible dans l’éducation de nos enfants. Les bons élèves ne seront pas moins bons, ceux qui vivent l’échec seront fortement accompagnés, la plupart se verront ouvrir des savoirs qui leur étaient fermés. Le collège unique ne sera plus le collège uniforme, qui n’a d’autres perspectives que de trier et séparer les élèves. C’est heureux.]]>