Lundi 19 et mardi 20 mai 2014 en séance publique, la proposition de loi sur «l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant» est examinée en séance publique. Cette proposition de loi reconnait juridiquement le rôle des beaux-parents, généralise les médiations pour régler les conflits familiaux avec pour seule boussole, l’intérêt de l’enfant. Elle répond à une volonté du gouvernement de moderniser le droit de la famille.

 

Proposition de loi Autorité Parentale et Intérêt de l’Enfant

Intervention en séance publique Lundi 19 mai 2014

Voir le Discours Discussion générale – 1ère Séance – Autorité Parentale et Intérêt de l’Enfant

Madame la Présidente / Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le président de la commission des Lois, Madame la Rapporteure, Mes chers collègues, Nous débutons cet après-midi les discussions sur les nouvelles protections que nous souhaitons apporter aux familles et aux enfants. La proposition de loi Autorité Parentale et Intérêt de l’Enfant est issue des réflexions et des travaux engagés par le précédent Gouvernement et par Dominique BERTINOTTI qui en fut la ministre de la famille. Quatre groupes de travail ont fourni une réflexion utile et de nombreuses propositions. Le groupe socialiste, dont les travaux ont été menés sur cette question par Marie-Anne CHAPDELAINE, reprend dans le texte qui nous est soumis, certaines de ces propositions, également partagées par vous, Mme la Ministre. Cette proposition de loi n’est pas un texte de rupture. Elle s’inscrit pleinement dans la continuité de l’évolution du droit de la famille et entérine des évolutions déjà opérées par la société. Il en va ainsi notamment lorsqu’elle renforce la notion et le sens de l’exercice conjoint de l’Autorité parentale issue de la loi du 4 mars 2002. C’est également en s’appuyant sur la réalité sociale que la proposition de loi envisage de donner au beau parent une existence. De même lorsqu’elle prolonge l’essor engagé depuis les années 90 par la médiation pour restaurer le dialogue au sein de la famille ou qu’elle envisage un nouveau cadre pour le recueil de la parole de l’enfant par le Juge aux affaires familiales. Lors des auditions de la rapporteure, nous avons pu constater avec une grande satisfaction que ce texte rassemblait très largement les représentants des familles et les acteurs des conflits familiaux. Toutes les associations familiales saluent les avancées que ce texte va apporter, naturellement avec des points de vigilance. Les syndicats de magistrats, les associations de médiation ont exprimé également leur satisfecit. Certes, nos propositions ne vont pas assez loin pour certains, ou trop loin pour d’autres mais la proposition de loi que nous discutons maintenant  est un texte équilibré ; équilibré dans son économie générale et dans chacune des mesures qu’elle propose d’introduire dans notre code civil. La Proposition de Loi Autorité Parentale et Intérêt de l’enfant s’adresse à toutes les familles, indifféremment. Elle ne les catégorise pas. Elle ambitionne de montrer la nécessité d’un dialogue permanent entre les parents. Elle ne prétend pas prendre partie pour l’un ou pour l’autre. Elle permet à l’intérêt de l’enfant d’émerger et de s’imposer. Elle n’a pas vocation à en déterminer par avance le contenu. Le chapitre 1 de ce texte consolide l’exercice conjoint de l’Autorité Parentale ; cette idée que le couple parental survit à la dissolution du couple conjugal, que les liens de filiation de leurs enfants continuent à réunir les parents dans les décisions qu’ils doivent prendre pour eux. Il s’agit pour nous de faire davantage connaître ce principe par les intéressés, d’en clarifier les contours et d’en assurer l’effectivité. Parmi les dispositions proposées, celle établissant la résidence de l’enfant au domicile des deux parents séparés est sans doute la plus symbolique et la plus forte. Elle ne bouleverse pas notre droit mais elle fait disparaître la notion de droit de visite et d’hébergement qui pouvait être considérée par le parent qui se le voyait attribuer comme une violence symbolique. Le principe de coparentalité repose sur l’égalité dans l’exercice des responsabilités parentales, nous instaurons l’égalité dans la sémantique, et dans l’intérêt de l’enfant. Il ne s’agit en rien de généraliser la résidence alternée paritaire, comme certains ont pu le laisser croire, sans doute par ignorance du contenu de la proposition de loi. Il s’agit seulement de corriger l’incohérence qui existe aujourd’hui entre l’égalité des droits des parents et l’inégalité de leur considération dans l’attribution de la résidence de l’enfant. Dans le même esprit, nous rappelons formellement que l’exercice conjoint de l’autorité parentale signifie que les parents doivent s’informer réciproquement de l’organisation de la vie de l’enfant et prendre ensemble les décisions le concernant en codifiant la définition des actes importants pour lesquels l’accord de l’autre parent ne peut être présumé. Enfin, pour les conflits qui conduisent les parents à ne pas respecter leurs engagements en matière d’exercice de l’autorité parentale, et dans l’intérêt de l’enfant, nous assurons l’effectivité de ces principes en rappelant la possibilité pour le juge de prononcer des astreintes, en instaurant une amende civile, en permettant d’ajuster ponctuellement la pension alimentaire et en réformant le délit de non représentation d’enfant. Dans son chapitre 2, la proposition de loi aborde enfin une question qui a fait l’objet de tentatives législatives récurrentes, mais toujours avortées ; celle de la place des beaux parents. Elle s’inspire en cela du rapport issu des réflexions du groupe de travail présidé par Madame Irène THERY. Un enfant sur dix vit dans une famille recomposée, ils sont environ un million et demi.  Un tiers de ces enfants est issu du nouveau couple, ils vivent avec au moins un demi-frère ou une demie-sœur. Deux tiers sont issus d’une union antérieure. Les beaux-parents s’investissement affectivement et souvent financièrement, ils exercent notoirement un rôle éducatif et sont reconnus dans ce rôle par leurs beaux enfants. Il est depuis longtemps devenu incontestable que l’intérêt de l’enfant peut nécessiter l’intervention de ses beaux parents dans les décisions de la vie courante qui le concerne. En 2009, la majorité d’alors avait enfoui une initiative gouvernementale tendant à réformer le droit des tiers au prétexte qu’elle ouvrait une éventuelle reconnaissance des familles homoparentales. La majorité a changé depuis, et cet argument est devenu sans fondement. Nous proposons dans cette initiative non pas un statut, qui serait contraignant et imposé, mais un outil simple ; le mandat d’éducation quotidienne, facultatif et dont la portée englobe seulement les actes usuels concernant l’enfant. Le mandat d’éducation quotidienne n’est qu’un premier degré dans l’intervention possible des tiers. La présente proposition prévoit également de réformer la délégation et le partage de l’exercice de l’autorité parentale, dont la portée est plus large et l’accès plus restrictif. Le chapitre 3 de la proposition de loi stimule le recours à la médiation familiale. Née dans les années 80 en Amérique du Nord, elle s’est développée en France quelques années plus tard inspirée par les expériences québécoises. Il vous est proposé de reconnaître et de développer par la loi le recours à la médiation familiale comme moyen permettant aux parents de reprendre le dialogue, de s’éloigner de l’objet du conflit, d’apaiser les tensions et de porter un regard commun sur l’intérêt de l’enfant. L’intervention judiciaire ne peut être la solution à tous les conflits familiaux qui portent en eux une charge émotionnelle, psychologique et affective lourde. Le dialogue nécessaire entre les parents, la nécessité de purger les conflits dans l’intérêt de l’enfant laissent toute sa place à la médiation familiale. La loi de 2002 puis celle de 2004 relative au divorce ont initié des instruments permettant un exercice consensuel de l’autorité parentale que nous voulons aujourd’hui développer. Dans un rapport d’information sur la justice familiale publié en février dernier, nos collègues Sénateurs, Madame Catherine TASCA et Monsieur Michel MERCIER, précisent que lorsqu’elle est mise en œuvre, la médiation donne lieu à un accord entre les parties dans 57% des affaires. Au Tribunal de Grande Instance d’Arras, lieu d’expérimentation sur ces questions, lorsque les médiations sont menées à terme, elles donnent lieu à un accord dans 100% des cas. Pour autant, le recours à la médiation familiale reste marginal. En 2012, 2789 affaires ont été renvoyées à un médiateur soit 0,8% du contentieux. Nous avons des marges de progrès et la proposition de loi envisage de commencer à les combler. Enfin, en sus de la possibilité pour le mineur de plus de16 ans de solliciter son émancipation,  le chapitre 4 propose une nouvelle écriture de l’article 388-1 du code civil qui encadre les conditions de recueil par le Juge aux affaires familiales de la parole de l’enfant en anticipation des décisions le concernant. L’enfant est le personnage central de la famille, il n’était plus possible en effet de laisser perdurer des dispositions qui font de la « capacité de discernement » de l’enfant (ce sont les termes du Code civil) traduite dans les faits par la mention de son âge, une entrave à son écoute par le juge. Cette « capacité de discernement » est de surcroit différemment appréciée selon les magistrats et selon les juridictions. En effaçant la notion de « capacité de discernement » et en précisant que sa parole est recueillie selon son degré de maturité, nous répondons enfin à des attentes maintes fois exprimées, notamment dans le rapport 2013 du défenseur des droits, M. Dominique Baudis et de la défenseure des enfants, Mme Marie DERAIN, sur l’enfant et sa parole en Justice. Cette proposition de loi, portée par le groupe SRC, pourrait faire l’objet d’un consensus politique. L’atmosphère de nos travaux en commission pouvait le laisser espérer. Vous pouvez donc imaginer notre surprise face à l’avalanche d’amendements déposés par l’opposition et que nous allons examiner. Contrairement à ce que certains pourraient laisser penser, la gauche est légitime à légiférer sur la famille. Et nous sommes d’autant plus légitimes que notre vision de la famille est fortement ancrée dans leur réalité. Nous considérons qu’il n’y a pas de modèle de famille unique et exclusif de tous les autres. Nous considérons qu’il n’y a pas de hiérarchie entre les différentes formes de familles, et que toutes (familles nucléaires, familles monoparentales, familles homoparentales, familles recomposées) toutes peuvent cohabiter dans la loi comme elles cohabitent sereinement dans la vie. Cette proposition de loi est porteuse de sens pour les adultes et pour les enfants. Elle met dans le Code Civil les mots qu’il manquait sur la place de chacun des membres de la famille et clarifie le périmètre de leurs responsabilités, de leurs droits et de leurs devoirs. Les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale sur tel ou tel enfant ne peuvent être pré-déterminées par la loi, elles s’apprécient concrètement, au cas par cas. Mais à n’en pas douter, les clarifications nécessaires apportées par ces nouvelles dispositions contribuent, nous en sommes convaincus,  à faciliter et à pacifier la primauté de l’intérêt de l’enfant.]]>

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