Pour voir ou revoir le discours d’Erwann BINET, cliquez-ici Monsieur le Président, Madame la Garde des sceaux, Madame et Monsieur les ministres, Chers collègues,     Il y a plusieurs semaines en première lecture, à l’issue d’un long travail d’audition et d’examen en commission,  nous avons débattu et échangé dans cet hémicycle durant près de cent-dix heures et nous avons adopté à une large majorité le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe.   Nous avions préalablement et avec l’attention bienveillante du Gouvernement, enrichi le texte initial.   Outre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, nous avons permis aux époux de se marier dans la commune de leurs parents et nous avons facilité la possibilité pour les français homosexuels vivant à l’étranger de se marier dans notre pays. Nous avons harmonisé les règles d’attribution du nom patronymique entre les filiations adoptives et filiations par le sang. Nous avons instauré une objection pour tous les français pacsés ou mariés à une personne de même sexe de refuser une expatriation dans un pays incriminant l’homosexualité. Nous avons permis aux associations réunissant les familles homoparentales d’adhérer à l’union nationale des associations familiales. Nous avons ouvert au juge la possibilité de maintenir un lien entre l’enfant et le parent social pour les couples aujourd’hui séparés. Nous avons enfin fait entrer les couples de personnes de même sexe et les familles homoparentales dans les dispositions du code civil et dans l’ensemble de notre droit par l’introduction de dispositions générales d’application.   Le Sénat a également adopté ce texte après plusieurs jours de discussion et de travail préparatoire. Je tiens d’abord à souligner le remarquable engagement du rapporteur au Sénat : M. Jean-Pierre Michel et celui de la rapporteure pour avis Mme Michelle Meunier.   En s’appuyant sur le travail approfondi des deux rapporteurs, les sénateurs ont précisé et enrichi un texte dont nous sommes aujourd’hui saisi en deuxième lecture et qui montre une très grande convergence de vue entre nos deux Assemblées.   D’abord et avant tout, les sénateurs ont adopté dans les mêmes termes l’article 1 qui ouvre le mariage et conséquemment l’adoption, à tous les couples. Nous n’aurons donc pas à discuter à nouveau du principe du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe. Cette disposition essentielle, le cœur du projet, celle qui a suscité le plus de débat entre nous en première lecture, n’est plus aujourd’hui soumis au débat parlementaire. Quatre autres articles ont été adoptés dans les mêmes termes par le Sénat.   Au-delà de l’adoption conforme de l’article 1 et de quatre autres articles, nos deux assemblées sont tombées d’accord sur le périmètre du texte.   Lors des auditions, de nombreuses interrogations se sont fait jour. Nous avons notamment été interpellés sur l’état de notre droit en matière d’adoption et il est souvent apparu qu’il fallait le réformer. Notre Assemblée, comme le Sénat a jugé qu’il était plus judicieux de renvoyer ces questions à un projet spécifique. De même la question de l’accès à l’Assistance Médicale à la procréation pour les couples de femmes a été très largement évoquée lors de nos échanges et de nos travaux préparatoires. Là encore Assemblée et Sénat ont exclu cette question du présent texte pour le renvoyer vers le futur projet de loi famille qui doit intervenir à l’automne. Au delà du principe de l’extension du droit au mariage, nous convergeons donc l’Assemblée nationale et le Sénat, sur le périmètre du projet de loi.   Comme je l’ai rappelé, l’Assemblée avait enrichi le projet du Gouvernement à l’aune des nombreuses auditions qui ont attiré notre attention sur un certain nombre de difficultés. A chaque fois, le Sénat a donné crédit à notre Assemblée et s’il a parfois apporté des précisions rédactionnelles (comme par exemple pour l’attribution du nom patronymique ou les critères d’éligibilité au statut d’association familiale), il a surtout confirmé nos orientations et renforcé la portée de la plupart d’entre elles. C’est le cas  lorsqu’il fait le choix, que nous avions fait avec l’accord du gouvernement, de supprimer l’essentiel des articles de coordination du Projet initial en les remplaçant par une disposition générale d’application. Le Sénat a modifié les termes et la place de cette disposition mais ce faisant, il en a renforcé son esprit et son objectif. C’est le cas également pour la reconnaissance par le juge du parent social au profit duquel le Sénat a renforcé le statut par l’ouverture de droits supplémentaires. C’est le cas enfin pour l’objection ouverte aux salariés de refuser une expatriation dans un pays incriminant l’homosexualité. Nous en avions réservé le bénéfice aux couples mariés ou pacsés, le Sénat en a étendu le champ à tous les homosexuels.   Je constate qu’en modifiant dix-huit articles du projet de Loi que nous avions adopté, nos collègues Sénateurs confirment ou renforcent les intentions de l’Assemblée Nationale en Première lecture. En toute logique, votre commission a convenu que le texte issu du Sénat pouvait être adopté par notre Assemblée, sans modification.   En première lecture, nos échanges ont fait la part belle aux principes, aux théories juridiques, aux concepts, aux préjugés parfois. Mais avant tout, nous avons réussi à incarner le débat, à laisser toute sa place à sa dimension humaine. Je souhaite évidemment qu’il en soit de même pour ces prochains jours car dans cet hémicycle, comme dans notre République, il n’y a pas de place pour la violence et les propos stigmatisant.   Nous ne pouvons refuser l’Égalité à ces couples alors que la nature leur offre l’Égalité devant l’amour. Nous ne pouvons refuser l’Égalité des droits à leurs enfants  alors que la société leur permet déjà, de fait, de fonder une famille.   L’Égalité est une conquête. Toutes les avancées vers un renforcement des droits et principalement lorsqu’elles concernent des minorités, ont été acquises après des luttes, souvent âpres. L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe ne fait pas exception. Et ces dernières semaines ont été éprouvantes.   Comme beaucoup sur ces bancs, à droite comme à gauche, je déplore les provocations, les menaces, les entraves, les intimidations. Pour ma part, être combattu par des catholiques intégristes, des membres du bloc identitaire ou des jeunes nationalistes me conforte et me renforce dans mes convictions. Bien sûr, je ne fais pas d’amalgame et j’ai rencontré comme vous tous ici des opposants au texte. J’ai discuté et débattu avec ceux qui s’exprimaient de manière pacifique et républicaine, et c’est la majorité d’entre eux. A ceux là je veux dire que nous les avons écoutés et entendus mais qu’ils doivent aussi comprendre que nos convictions sont profondes, qu’elles sont sincères et que, parce que ces familles doivent avoir des droits, parce que ces couples doivent être reconnus publiquement, nous irons jusqu’au bout. La famille, le mariage sont des institutions solides mais en exclure l’accès à une partie de la population revient à en ternir leurs caractères universels et conduit à les fragiliser. Nous ne dénaturons ni la famille, ni le mariage. Nous les renforçons au contraire.   J’ai entendu certains d’entre nous appeler au boycott du petit Larousse qui adaptera dans son édition 2014 sa définition du mot mariage, comme l’avait d’ailleurs déjà fait le dictionnaire Robert en 2000. Le Larousse n’a pas pris d’avance, chers collègues, il est même en retard. Car le petit Larousse est francophone, il n’est pas français. Il est aussi belge, et la Belgique ouvre le mariage aux couples de même sexe depuis dix ans. Il est aussi Québécois, et le Québec permet le mariage aux couples de même sexe depuis neuf ans. D’ailleurs ce combat n’est pas propre à la francophonie. Alors que chez nous, en France, le Projet de Loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe poursuivait son cheminement dans la navette parlementaire, le parlement britannique et le parlement Uruguayen ouvraient le mariage aux homosexuels. Et le parlement Néo Zélandais, à majorité conservatrice, l’a adopté aujourd’hui même, c’est le treizième pays dans le Monde! C’est maintenant le tour de la France et nous en sommes très fiers.   Ce projet de loi n’est pas révolutionnaire, il ne fait qu’ouvrir une institution existante, le mariage, à des couples qui sont déjà connus et reconnus par la société. Mais il porte en lui quelque chose de révolutionnaire. En faisant entrer dans la norme, ce qui était dans la marge il donne plus de force et de vérité à notre principe d’Egalité. C‘est l’honneur de notre pays, l’honneur de notre République, et ce doit être notre fierté à toutes et à tous, de faire en sorte que personne ne soit au-dessous de la loi.   Je vous remercie      ]]>

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