Le Conseil Départemental s’est réuni aujourd’hui en séance publique. La séance a commencé avec une manifestation des travailleurs sociaux du département (à l’initiative de deux syndicats), manifestation aussi bruyante que l’exécutif est sourd à leurs légitimes inquiétude.

Après avoir délibérés sur quelques dossiers, le groupe socialiste a quitté la séance pour protester contre le comportement du Président. Séance après séances, l’opposition est mépriséz voire menacée par une présidence brutale. L’hémicycle départemental est un lieu de débat et non un ring de boxe. Je me désole de cette absence de fond et de ces échanges stériles où l’invective remplace la concertation, où les imprécations remplacent les débats démocratiques.

Néanmoins, et malgré tout, nous avons pu dire notre avis sur certaines politiques engagées par la majorité. Je partage avec vous mon intervention à l’occasion du rapport sur le plan pauvreté.

 » Nous nous abstiendrons sur le plan pauvreté, en raison de l’indigence de ses dispositions et de son absence d’innovation.

Nous ne voterons pas contre parce que nous considérons que chaque euro consacré aux Isérois vivant sous le seuil de pauvreté, 1 sur 10, est un euro utile.

Nous vous entendons aujourd’hui vous féliciter de ce volontarisme nouveau. Restent très présents à nos oreilles vos discours pour justifier depuis 2015, budget après budget la baisse des fonds consacrés à la cohésion sociale qui -hors allocations- est passé entre 2015 et 2019 de 26,8M€ à 11M€. D’un côté moins 15 millions et aujourd’hui plus 1 millions ; le compte n’y est pas.

L’État vous contraint à mettre vos pas dans les siens pour lutter contre les sorties sèches des jeunes majeurs de l’ASE, dont acte. Nous plaidons cette cause depuis le début du mandat. Vous organisez avec lui le premier accueil inconditionnel de proximité, cela ressemble beaucoup à la charte partenariale votée sous la présidence d’André Vallini, on ne va pas le déplorer. D’ailleurs on ne voit pas vraiment comment cela va s’articuler avec la priorisation des missions de l’action sociale polyvalente qui consiste en fait à une restriction de l’action des travailleurs sociaux.

Vous inscrivez dans ce plan vos marottes :

  • La politique de réciprocité, que vous intégrez à travers un volet d’évaluation ; une évaluation que nous aurons un grand intérêt à éplucher,
  • La priorisation des missions de l’action sociale polyvalente, politique à laquelle les travailleurs sociaux du Département sont venus rendre hommage ce matin, car à tout point de vue, elle compliquera leur mission,

Mais où sont les innovations ? où est le travail avec les associations œuvrant auprès de ces Isérois ?

Nous sommes allés voir ce que d’autres départements engageaient dans le cadre de ce plan contractuel. Au passage on remarque que les départements de droite ne sont pas les moins innovants. Quelles sont ces innovations ?

  • Une dotation d’action territoriale à Nantes métropole pour l’insertion des jeunes
  • Un bus de la parentalité en Indre et Loire
  • en Haute Garonne, l’Automatisation du renouvellement de la CMU, des Maisons de la solidarité et kiosques insertion ; un disposition TAPAJ (travail alternatif payé à la journée) pour offrir un accès à l’emploi à des jeunes en errance souvent sujets aux addictions.
  • Le Projet Perle de la Métropole de Lyon (accès au logement via le retour à l’emploi)
  • dans le Bas-Rhin une plate forme « géo connexion » pour la géolocalisation des offres d’emploi, articulées avec une offre de garde d’enfants et de transport
  • un plan de lutte contre les retards de langage dès la petite enfance en Meurthe et Moselle, mais aussi des réductions pour les activités sportives et culturelles des jeunes dévaforisés.

L’Isère, qui a toujours été le berceau d’innovations sociales, qui affiche aujourd’hui comme hier une belle santé financière ne pouvait-elle par faire preuve d’un volontarisme plus fortement affirmé, d’une innovation plus poussée. Par exemple, en matière de mobilisation et de participation des personnes, vous ne proposez rien. De nombreuses initiatives étaient pourtant possibles :

  • Lutter contre la fracture numérique qui a une incidence forte sur l’accès aux droits. Vous avez initié sur le territoire du Grésivaudan un service civique chargé d’accompagner ces publics. Pourquoi ne pas profiter de ce plan pour généraliser cette action sur l’ensemble du département ?
  • Agir spécifiquement et plus fortement sur les publics que nous n’avons pas dans nos radars, les commerçants, les artisans, les agriculteurs (25% d’entre eux ont des revenus sous le seuil de pauvreté)

La pauvreté touche plus de 11% des Isérois, 20% des moins de 30 ans, 34% des foyers monoparentaux.  Et il est à craindre qu’elle se développe

Parce que le nombre des foyers monoparentaux continuera à augmenter

Parce que la couverture par l’assurance chômage promet  malheureusement se contracter

Parce que le non recours aux droits augmente

Parce que les nouvelles générations de retraités, qui n’ont pas de patrimoine et ont subi une carrière discontinue et précaire

La pauvreté est une gangrène, la première des maladies. La persistance de la pauvreté dans un département riche comme l’Isère doit déranger nos consciences, bousculer nos certitudes, interroger nos convictions. Nous avons commencé cette séance en évoquant les calamités agricoles. La pauvreté est une calamité et, pour reprendre un terme employé par les travailleurs sociaux du département venus manifester ce matin, vous nous présentez un plan de lutte contre la pauvreté… »low cost ». Ce n’est ni à la hauteur de l’enjeu, ni à celle de notre grand département. »

 

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